Jardins ouvriers, Salaise-sur-Sanne
C’était il y a un siècle, au sortir de la première guerre mondiale, les usines du Rhône récemment implantées décidèrent d'allouer un lopin de terre à leurs ouvriers. Les familles sortaient en ce temps là d’une période de disette et de privation, la terre prêtée, leur permirent de faire un potager et ainsi d’améliorer le quotidien. Cent ans plus tard, le lieu existe toujours, coincé entre le site chimique et la nationale 7, il abrite une centaine de jardins. La population a changé, elle s’est métissée, les ouvriers des usines en accédant à la propriété ont délaissé petit à petit le lieu, laissant la place à une population issue de l’immigration, ainsi que des familles Française vivant en HLM.
Français, Turcs, Arabes, Portugais, Espagnols, Camerounais, qui sont là pour faire la même chose qu’il y a cent ans, cultiver et se nourrir. J’ai rencontré tout ces gens, les ai photographié, bu le thé avec certains, fait l’apéro avec d’autres, on m’a donné des salades et des tomates, on m’a invité à un barbecue, palabré à l’ombre d’un figuier. Ce sont des gens simples qui viennent le dimanche en famille pique-niquer.
C’était dans l’air depuis un moment, la société osiris a décidé de vendre le terrain et de mettre tout le monde dehors, au 15 août, fin des festivités, on rase tout.
Tu te rends compte ! ça fait 16 ans que je suis là !
Mon père avait déjà ce jardin et j’ai 70 ans !
Dis, tu connais pas quelqu’un qui pourrait me louer un bout de terre, je suis prêt à payer !
Que faire maintenant, mis à part aller chercher sa bouffe en plastique à carrefour, que faire d’autre que d’être sur son balcon et regarder la rue étouffante défiler. Ce lieu n’est pas seulement un endroit où les gens font pousser leurs légumes, c’est avant tout un lieu de rencontres et de mixité sociale. Il est fait de bric et de broc et n’est pas très beau, mais il abrite derrière ses haies dépareillées des gens biens.
Alors merde, ça fait chier !